Il s’agissait d’une nuit comme les autres. La lune brillait de mille feux dans le ciel sombre, cadrée par une multitude d’étoiles. Ou plutôt, j’avais l’impression que cette nuit ne serait différente, à mes yeux, elle s’annonçait d’une banalité sans borne. J’étais seul, à la maison, alors que mon oncle Charles était parti se noyer dans l’alcool au bar le plus près. C’était une habitude, c’était sa vie, c’était aussi la mienne, désormais. Assis sur le sofa, je regardais la télévision, absorbé par un film que j’avais déjà vu une bonne quinzaine de fois. C’est alors que par la fenêtre entrouverte, j’entendis un miaulement. Le bruit capta aussitôt mon attention. Lys, la chatte de mon oncle avait disparue depuis plusieurs jours, et les plaintes de ce chat me rappelait curieusement les siennes. Je me déconnectai alors de l’écran et sorti à l’extérieur de la maison.

« Lys ? » Les miaulements de l’animal semblaient s’éloigner vers les bois, je m’y dirigeai donc, la lune éclairant suffisamment mes pas. J’avançai durant plusieurs minutes, n’apercevant autre chose que des oiseaux et des papillons nocturnes. J’appelai le félin à plusieurs reprises, sans qu’un moindre résultat ne m’atteigne. Je soupirai, pensant à retourner à l’intérieur. On m’avait déjà dit que ces bois n’étaient pas sécuritaires durant la nuit, mais je ne m’en étais jamais soucié. Mais, je n’avais pas l’intention de passer ma nuit à appeler cette foutue chatte. Je tournai donc les talons, m’apprêtant à rentrer, lorsqu’un hurlement effrayant vint briser le silence nocturne. Je sursautai, mais continuai mon chemin, sachant qu’un tel son était signe d’un mauvais présage.

C’est alors qu’un gigantesque loup me fit face. Je reculai, mais en un rien de temps, il se retrouva sur moi. Je sentis alors ses crocs s’enfoncer dans ma chair et une vive douleur me tenailler l’épaule. Je tentai de me sortir de là, mais l’animal était fou de rage et beaucoup plus fort que moi. Une image me vint alors à l’esprit, un vieux truc qu’on m’avait enseigné. Je tentai de saisir le visage du loup entre mes mains, alors qu’il continuait de s’attaquer à moi puis c’est alors, que j’enfonçai mon pouce dans son œil. L’animal poussa un long hurlement perçant, tout en se relevant puis se sauvant…

Les minutes s’écoulèrent lentement, je restai étendu sur le sol, le regard perdu dans les étoiles. Une douleur fulgurante atteignait mon épaule et mon torse, là où la bête sauvage m’avait mordue. Ma vision devint soudainement troublée, puis je sombrai…

Lorsque j’ouvris les yeux, le soleil plombait ardemment sur la forêt. Je me relevai puis secoua doucement la tête, me rappelant les événements de la nuit précédente. Est-ce que je m’étais endormi là en cherchant Lys ? C’est la question que je posai, avant d’apercevoir le sang sur mon t-shirt. Ahuri, je regardai mes blessures, ni voyant plus aucune trace. Je fronçai les sourcils, me relevant puis décidant de retourner à la maison.

C’est à ce moment que les choses devinrent plus étranges… Mon oncle Charles étendu sur le divan, le visage couvert de sang sec. Sourcils fronçai, je m’approchai, le regardant avec attention. C’est avec un haut le cœur que je constatai son œil amoché… ou peut-être crevé ? Je reculai rapidement, essayant d’y comprendre quelque chose, mais rien de logique ne venait à mon esprit. Que c’était-il passé ?

La journée même, Charles n’eut d’autre choix que de me dévoiler son plus grand secret. Alors qu’il était adolescent, lui aussi, son propre père qui était loup-garou, l’avait mordu, lui transmettant ce terrible gène. À son tour, Charles hors de contrôle m’avait attaqué dans les bois la nuit passée. Selon lui, j’allais devenir un tel monstre. À quatorze ans, ma vie était (à mon avis) gâchée. Ce que je n'arrivais toujours pas à comprendre, c'est pourquoi mes parents avaient laissé cet homme s'occuper de moi. Ils avaient beau être pris par leurs travaux, mais connaissant les origines de Charles, ils auraient dû prévenir l’inévitable. Quel jugement pour un avocat et une chirurgienne! C’est à cet âge que je décidai de quitter le pays, acceptant très mal la triste réalité qui m’attendait. Le mieux pour moi, était de voyager, argent en poche, me tenant loin des gens ou de tout sentiment…