Je me souviens de cette soirée avec la plus grande précision possible et il n'y a pas une seule journée qui passe sans que je me la remémore. J'avais la naïveté de l'humain et l'innocence d'une jeune fille, je n’étais donc pas à l’abri de cet évènement. Que ne ferions-nous pas par amour ? Je me le demande à chaque jour qui s’écoule et je vois clairement où cela m’a menée.

Jamais je n’avais vu un être d’une aussi grande beauté. Il avait le charme et la classe. Il était beau et bien éduqué, moi j’étais complètement sous son charme inhumain. J’étais jeune et naïve, j’atteignais à peine ma maturité. Malgré tout, je savais que quelque chose clochait. Il avait quelque chose de si particulier, de si irréel. Nathan n’était pas comme les autres hommes et j’avais l’impression qu’il n’était pas humain. Je ne saurais pas comment l’expliquer, mais je le ressentais tout simplement. Il me semblait venu d’une autre époque.

Ce soir-là, j’étais assise dans les jardins, contemplant les étoiles avec attention. Il était venu vers moi, le regard ardent et un sourire indélogeable accroché aux lèvres. Il s’était avancé vers moi d’une démarche assurée et avait déposé sa main sur ma joue. Il me regardait avec une intensité troublante, alors que mon cœur battait à tout rompre.

« Anastasie, je dois vous avouer quelque chose. » Curieuse, je le fixais avec attention, attendant de savoir ce qu’il avait à confesser. Je ne bronchais pas, mon regard perdu dans ses yeux d’un noir profond.

« Je vous ai menti. À mon sujet et au sujet de beaucoup de choses, pour dire vrai. » Je gardais patience, même si j’étais intérieurement empressée d’entendre la suite. Certes, j’avais une impression de déjà vu, comme un rêve déjà rêvé. Nathan gardais son calme habituel, comme si tout fonctionnait comme il l’attendait.

« Je ne suis pas celui que je prétends être. Je ne suis pas comme vous, Anastasie. Je… je ne suis pas humain… » Son regarde gardait tout son ardeur, mais je voyais qu’il avait envie de baisser les yeux. Cette révélation ne me surprenait pas le moins du monde, je le sentais depuis des semaines. Je ne sais pas comment l’expliquer, mais je le savais. J’avais entendue des légendes, mais je ne savais pas exactement ce qu’il était. Nathan hésitait et moi, j’hésitais à réagir. Il voulait entendre quelque chose, il voulait que je parle, que je prononce le moindre mot, mais je ne savais pas quoi dire. Je restais de glace, le fixant trop intensément, me demandant quoi dire ou même quoi faire.

« Anastasie… je suis mort il y a de cela plus de mille ans. Je suis une bête, une créature qui se nourrit de sang. » Mon regardait restait rivé sur lui, mais je n’osais toujours pas prononcer un seul mot, j’étais tout simplement figée sur place. Je n’avais pas peur, mais je ne savais tout simplement pas quoi dire. Je dirais même que je ne mesurais pas l’ampleur de ses paroles et de sa nature. Il voulait que je parle, mais aucun mot n’arrivait à sortir de ma bouche. Ses mains retenaient fermement mes poignets, il perdait de son calme.

« Parlez, dites quelque chose ! Vous ne devriez pas rester muette. Je dois vous effrayer, vous répugner, vous devez avoir envie de me fuir. » Il ne trouvait pas ma réaction normale… Soudainement, il avait soudainement lâché mes poignets, reculant de plusieurs pas. Je n’avais jamais vu cet air sur son visage et je ne le comprenais pas. Puis soudainement, j’étais sorti de ma torpeur, la réalité me rattrapant. Homme ou créature, il était celui que j’aimais.

« Nathan, détendez-vous. » Puis j’avais franchi les quelques pas qui nous séparaient.

« Ce que vous êtes ou pas m’importe peu. Que vous soyez humain ou toute autre chose, ne change absolument rien. Vous êtes celui que j’aime, Nathan. Vous êtes celui que j’ai choisi. Je ne suis ni effrayée, ni dégoûtée. Je n’ai pas la moindre envie de m’enfuir, j’ai toujours la même envie, celle d’être auprès de vous. » Ma mère m’avait toujours reprochée mon insouciance et mon manque de bon sens. Que cet homme se nourrisse de sang ou de légumes m’importait peu. Il était l’homme de ma vie, tel était ma vision des choses. Mais une fois encore, je ne saisissais pas l’ampleur de mes paroles et de mes gestes. J’avais passé mes deux bras autour de son cou, approchant mon visage tout près du sien.

« Anastasie, vous êtes certaine ? Vous devriez avoir envie de fuir. Je ne comprends pas votre réaction. Vous comprenez ce que je suis ? » Il était confus et moi je souriais légèrement à mon tour.

« J’ai toujours su que vous n’étiez pas comme les autres et je suis restée auprès de vous. » Il restait confus. Il avait cru que j’allais fuir, mais jamais je n’aurais osé le perdre. J’avais alors déposée un léger baisé sur ses lèvres.

« Nathan, cessez de me regarder ainsi. Je vous aime et rien ne pourra changer l’amour que j’éprouve pour vous. » Il avait alors pris mon visage entre ses mains et m’avait embrassé avec passion.

« Je vous aime, Anastasie. Je ne pouvais plus garder ce fardeau pour moi, au péril de vous perdre. » Je savais exactement ce que je désirais. Je le voulais pour toujours et je voulais être à lui jusqu’à la fin de mes jours.

Nathan avait alors posé un genou à terre puis avait sorti une petite boîte de sa poche. Mon cœur frappait à toute vitesse contre ma poitrine. Je rêvais ou il allait me demander ma main ? C’est alors qu’il avait ouvert la boîte et m’avait présenté une bague d’une splendeur sans égale.

« Anastasie Éméréanne de La Fontaine, voulez-vous devenir mienne ? » La réponse fut immédiate, bien sûr que je voulais devenir sa femme ! Je m’étais alors jetée à son cou et l’avait embrassée avec fougue. À ce moment-là, j’étais la femme la plus comblée du monde, j’étais aussi totalement folle de lui. Je n’avais que dix-neuf ans, j’étais jeune et naïve.

Par la suite, il m’avait entrainé sur le banc de pierre, me tenant dans ses bras puissants. Plusieurs choses m’étaient passées par la tête à cet instant, je savais exactement ce que je désirais.

« Nathan… si vous voulez vraiment que je devienne votre femme, il y a quelque chose que vous devez faire pour moi. » J’étais calme, un regard sérieux posé sur lui.

« Tout ce que vous désirez. » J’avais alors approchée mon visage du sien, le regardant avec insistance.

« Transformez-moi et je vous épouserai… » Mes paroles déclenchèrent tout… absolument tout. Au tout début, il avait refusé, mais avec insistance et avec les bons mots, il avait accepté. Il désirait me garder auprès de lui pour toujours, il ne voulait pas connaître la souffrance de me voir vieille, malade et de me voir mourir, il ne le supporterait pas. Ce fut cette nuit-là qu’il m’a transformée et s’il y a une chose dans ma vie que je me rappelle parfaitement, c’est ce qu’il s’est passé à ce moment-là.

Je n’étais plus la même, il y avait la soif de sang. Une soif qui vous brûle le corps tout entier et qui vous embrouille l’esprit. J’étais hors de contrôle, j’étais totalement émotive, pendant quelques temps, j’étais différente. Puis lorsque le contrôle fut de retour, j’étais redevenu moi-même, du moins en quelques sortes.

Nathan Ludovic Delmas fut là pour moi durant des années. Du mois, il fut là pendant 297 années de ma vie. Jusqu’au jour où il fut abattu devant mes yeux. Je peux vous jurer que celui qui me l’a enlevé a payé le prix de ses actes. Mais cela ne m’a jamais ramené l’homme que j’aimais et ne me le ramènera jamais. Dans ces moments, on souhaite mourir et non garder éternellement ces souvenirs en mémoire. Ce jour fut le plus affreux de ma vie, c’est le jour où j’ai regretté mon choix. Si j’avais eu l’intelligence de vouloir rester humaine, je serais morte bien avant lui et je n’aurais pas à vivre avec ce fardeau pour le reste de ma longue vie. Je l’ai perdue et je ne le reverrais jamais. J’allais vivre pour lui, comme il l’aurait désiré.