Je me rappel parfaitement ce visage. Des traits irréels, une beauté parfaite et indescriptible. Je me suis alors dit qu’elle n’était pas réelle, qu’elle n’était qu’une vision à travers les yeux d’un soldat mourant. Ses longs cheveux blonds comme le blé semblaient aussi doux que la soie et ses grands yeux d’un vert intense semblaient aussi irréels qu’elle le semblait elle-même. Une beauté sauvage et ravageante, je n’aurais su la décrire autrement. Elle était un mirage dans ce champ de bataille. Peut-être même allait-elle me guider vers la mort. Elle était un ange, j’en avais la certitude. Et en ce moment, je désirais ardemment qu’elle m’emporte de l’autre côté, loin de la douleur et de la tristesse. Après tout ce que j’avais vécu, perdre la vie me semblait être un euphémisme. La vie sans elles étaient invivable, je ne pouvais continuer sur ce chemin. Je ne comprenais même pas la force que j’avais eue pour ne pas m’enlever la vie. Et maintenant, j’allais être délivré de ce lourd et insupportable fardeau.

Il s’agissait encore une fois d’un rêve, à vrai dire, j’avais toujours su rêver l’impossible. Tout ce que je désirais était intouchable. La divagation semblait vouloir envahir mon cerveau et je ne sentais plus mes jambes. Une froideur indescriptible submergeait tout mon être. Le peu de force qu’il me restait s’échappait, il me semblait évident que j’allais les rejoindre d’ici peu. Cependant, ce n’est pas ce qui s’est produit.

Il ne s’agissait ni d’un mirage, ni d’une vision. Elle était bien réelle. Alors que la paix allait enfin m’atteindre, que la vie me quittait peu à peu, elle a changé le cours normal des choses. J’ai perdu la vie pour renaître et pour devenir cette personne que je n’avais jamais été. Cette femme n’avait rien de l’ange que je m’étais imaginé, en réalité, elle était tout le contraire. Au moment où je me battais pour mourir, au moment où je savais exactement ce que je désirais, elle a fait de moi un des siens. Elle m’a changé en ce que je n’aurais jamais souhaité être, elle m’a empêchée de les revoir. Elle a décidée de mon sort, de ma vie, de mon destin, j’ai donc décidé du sien. Ces détails resteront encrés à jamais au plus profond de mon âme. C’est un souvenir qui m’appartient à moi et à moi seul. Un souvenir qui me procure un plaisir inexplicable. Je n’oublierai jamais ce visage comme je n’oublierai jamais les leurs.

Quand je regarde le monde aujourd’hui, je constate qu’il s’agissait d’un cadeau, enfin plus ou moins. D’un autre sens, je serais mort, probablement en paix avec elles… ou non. Le paradis et toutes ces choses-là, je les vois comme de totales fabulations, aujourd’hui. Et si la mort m’avait réellement emportée, je n’aurais pas pu vivre tout ce que j’ai vécu. Je n’aurais pas pu jouir du monde tel qu’il est.